Planche cerises N 20 decembr 2020 compresse .pdf


Aperçu du fichier PDF planchecerisesn20decembr2020compresse.pdf

Page 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11



Aperçu texte


DÉLICIEUX

Territoires solidaires en
commun

Le travailleur de la nuit

Peut-on tomber amoureux d’une figure
peinte ? Yannick Haenel nous raconte la
découverte d’une toile du Caravage « Judith et Holopherne » quand il a 17 ans et
son désir naissant pour les femmes. Il ne
voit que la beauté de Judith. Il découvrira
bien plus tard que cette beauté peut être
machiavélique. Ce récit nous entraîne au
fil des pages sur la vie courte et mouvementée d’un des plus grands peintres de
la Renaissance : Caravaggio. Il a révolutionné la peinture et influencé beaucoup
de ses contemporains. Nicolas Poussin
par dépit a affirmé que « Caravage est
venu pour détruire la peinture. » Le récit de Haenel non seulement nous fait
découvrir la vie de Caravage mais il interprète comme un historien de l’art les
toiles du grand maître italien en montrant
son génie créateur et son inspiration puisée dans la bible. Ce livre est un petit
bijou à lire et à offrir pour tous les amoureux de la peinture de la Renaissance.
Une modernité du clair-obscur.

Un petit coup de cœur pour cette BD.
Matz pour le scénario et Chemineau pour
les dessins nous racontent l’histoire vraie
d’Alexandre Jacob cambrioleur ingénieux,
et anarchiste. Ce personnage attachant,
plein d’humour et de tendresse grandit
à Marseille, s’engage comme mousse
au grand dam de sa mère, vit durement
sur les bateaux, traverse les océans, et
comprend vite que partout la misère, et
l’exploitation gangrène le monde. Il ambitionne de devenir capitaine et se forme,
mais la maladie l’empêche de mener à
bout son projet.
Il découvre la politique, fréquente les
milieux anarchistes très actifs dans les
années 1890. Il travaille pour devenir
typographe puis pharmacien mais la justice et la police le poussent à devenir
cambrioleur.
Les aquarelles aux couleurs chaudes de
Chemineau nous plongent dans l’atmosphère de l’époque. Les vues de Marseille
et de Paris sont magnifiques. Les personnages paraissent réels.
Enfin les séquences du procès en forme
de flash-back nous permettent de mieux
saisir le cheminement de ce rebelle au
grand cœur.

 Daniel Rome
La Solitude Caravage, Yannick Haenel, Éditions Folio chez Gallimard, Août
2020, 336 p.

 Sylvie Larue
Le travailleur de la nuit, Matz et Chemineau, Éditions Rue de Sèvres 128 p.
21x27,5 cm, Avril 2017, 18 €

La Solitude Caravage

16

Israël le voyage interdit

L’origine du monde

Le réalisateur : Jean Pierre Lledo né en
Algérie d’une mère juive et d’un père
communiste il y a 73 ans. En 1993 il doit
quitter l’Algérie menacé de mort par les islamistes. Une partie de sa famille est allée
vivre en Israël. C’est alors qu’il entreprend
de venir en Israël avec sa fille et rencontrer cette partie de la famille partie vers la
« terre promise ». Le documentaire comprend 4 films : Kippour, Hanouka, Pourim
et Pessah. Le fil conducteur est une visite
de l’histoire de cette partie du monde déchirée par une guerre qui a commencé
en 1947, mais aussi la transmission à sa
fille Naouel du patrimoine culturel familial
longtemps tu. En Algérie et dans les pays
arabes, aucunes références à la TV ou
dans les journaux d’Israël, mais on parle
de l’entité sioniste. Lledo explore les raisons qui opposent cruellement les juifs et
les arabes. Un film à voir pour questionner
et mieux comprendre le conflit israélo-palestinien, même si ce n’est pas l’objectif
premier du réalisateur. Rappelons aussi
que J.P Lledo a réalisé plusieurs films documentaires et écrit deux livres dont Le
monde arabe face à ses démons : Nationalisme, Islam et Juifs, 2013.

Vous connaissez tous le tableau de Courbet représentant le sexe d’une femme allongée. Le film réalisé par L. Lafitte s’en
inspire ? Oui et non … L. Lafitte s’inspire plutôt de la pièce de théâtre mise
en scène par Jean Michel Ribes. Le film
commence par un écran noir et l’on entend un couple faire l’amour. Mais Jean
Louis ne ressent rien. Son cœur s’est
arrêté de battre. Pourtant il continue sa
vie, va à son travail, déjeune avec son
ami vétérinaire. Est-il mort ou vivant ? Ni
sa femme ni son ami vétérinaire (Vincent
Macaigne) ne trouvent d’explications rationnelles à ce phénomène étrange. Sa
femme Valérie (Karin Viard) l’emmène
voir sa coach un peu gourou, connectée
aux forces occultes. C’est alors qu’elle
(Nicole Garcia) propose pour le sauver
et qu’il puisse retrouver une vie normale,
de prendre en photo le sexe de sa mère.
Ce film très bien construit est surtout
très drôle. Il y a des comiques de situation avec Vincent Macaigne et Karine
Viard désopilants à souhait. Ce film hilarant peut s’inscrire dans la lignée de Luis
Bunuel et Marco Ferreri.
A ne pas manquer…

 Louis Champseix
Le voyage interdit, Documentaire réalisé par Jean-Pierre Lledo, sortie octobre 2020, 2h20.

Meurtres à Tombouctou
La mort d’un jeune touareg met en ébullition, cet environ de Tombouctou que
l’enquête de la police locale, de l’antiterrorisme (français) et les traditions coutumières peinent à calmer.
Ce petit roman policier nous plonge au
cœur d’une tranche de vie, dépeignant la
vie d’un village et d’une tribu touareg, le
climat délétère qu’un tel acte peut provoquer et les liens tenus, parfois opaques,
ancestraux souvent, qui font « vivre ensemble » dans ce bout de Mali.
Le commissaire Habib aura bien du mal
avec ce « crime d’honneur, » qu’évoque
cette œuvre de Moussa Konaté, qui fut
directeur du festival Étonnants Voyageurs de Bamako.
Les polars qui se situent en Afrique de
l’ouest et qui échappent à la caricature
néocoloniale sont assez rares pour être
signalés. Surtout lorsque - comme c’est
le cas ici - ils sont bien écrits et l’intrigue
soigneusement nouée.
 Patrick Vassallo

 Daniel Rome
Meurtres à Tombouctou, Moussa KONATE, éditions points Métaillé, 2015,
211 p. 6,40 €

L’origine du monde, Laurent Lafitte, Sélection officielle du Festival de cannes, 1h38

Voici les anti-actes du 3eme colloque de
Cerisy sur les communs. Leurs auteurs
nous livrent un récit à vivre, mêlant expériences de terrain et réflexions « intellectuelles, » ancrant les débats sur des sujets
concrets, articulant dans une dynamique
en recherche la forme des discussions et
leur fond, les conditions matérielles de ce
colloque et ses suites idéelles.
Au-delà du « label » Économie Sociale et
Solidaire, c’est la construction solidaire
qu’interrogent les participants-es, ce faire
commun qui n’est pas (seulement) une
nécessité mais un processus, vital, pour
réussir à être en relation. Est soulevée la
problématique du tissage partagé de solidarités entre acteurs publics et privés,
entre personnes et groupes (familles) vulnérables, et en quoi les Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) sont un
outil mobilisable.
La notion de translocalisme tente ici d’offrir une perspective renouvelée à l’articulation de pratiques locales émancipatrices et d’une mondialisation globale qui
appelle transformation.
Le tour de France annoncé reliant Chaillol
à la Bretagne, le pays de Grasse à Thiers,
éveille notre curiosité sur la diversité de
ces communs, loin d’une économie de
pauvres assignés à la survie. On attend
avec impatience un développement sur la
transformation des territoires que cette dynamique sera (serait) capable d’impulser.
La culture n’est pas oubliée et les grandes
entreprises interpellées ont singulièrement « manqué » de vigueur. Qui s’en
étonnera ?
Une lecture vivifiante.
 Patrick Vassallo
Territoires solidaires en commun, Elisabetta Bucolo, Geneviève Fontaine, Hervé Defalvard, éditions de l’atelier, 2020,
204 pages, 16 €

17