Planche cerises N 20 decembr 2020 compresse .pdf


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Rapport(s) de forces

Pour créer du rapport de force,
il faut s’organiser

Redéfinir
le rôle
des organisations
miitantes et il faut se demander pourquoi
elles ne se reconnaissent pas dedans.
Julien Gonthier remarque aussi que
les Gilets jaunes se sont réapproprié
l’espace public différemment des organisations traditionnelles, des manifestations publiques République-Nation, ils
ont développé de l’affrontement avec le
pouvoir. Ils ont repris les endroits où ils
vivent et la revendication est principale.
Micheline Cognard fait part de son
expérience dans un groupe de Gilets
jaunes de l’Eure où les débats étaient
difficiles, parfois traversés par des idées
d’extrême-droite mais où plusieurs organisations dont la Cgt, Ensemble, le Npa
ont œuvré pour faire basculer les débats.
Cela s’est traduit par des convergences
sur d’autres combats par la suite.

Des organisations affaiblies et non représentatives

Céline Verzeletti parle aussi de la
marginalisation et de la répression des
luttes menées depuis des années. « Ça
a été flagrant avec l’apparition des gilets
jaunes. Mais ça a aussi été le cas depuis
2016 pour les organisations syndicales
et à la CGT nous l’avons perçu comme
cela. Nous avons été traités de « terroristes » alors que nos actions ne se fai-

La mobilisation
des Gilets jaunes
s’est faite
en dehors de forces
constituées
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saient pas de cette manière. Il y a une
volonté de marginaliser les personnes
qui sont à même de s’organiser ».
Selon Michelle Guerci tout le monde
est écœuré par l’état de la gauche. « L’incapacité de la gauche à réagir sur le plan
de l’hégémonie culturelle de manière unifiée sur les questions de l’islamophobie,
la domination de l’extrême droite au point
qu’on ne débat qu’avec elle et le refus
de dire clairement qu’il y a danger aujourd’hui autour des musulmans lui paraît
rédhibitoire ».
Christian Mahieux rappelle qu’on ne
sait pas trop de quoi on parle lorsqu’on
dit la gauche.
« Parmi les organisations associatives,
syndicales, politiques, que l’on peut
placer sous le qualificatif « de gauche »
il est important de débattre, travailler ensemble ».
Pas de mobilisation sans force organisée pour Céline Verzeletti : « il faut des
espaces dédiés pour discuter, débattre,
mettre en perspective des revendications ».
Reconstituer les forces militantes ?
Julien Gonthier : « C’est bien de mener
des batailles d’idées, c’est bien d’avoir
une visibilité sur les réseaux sociaux,
c’est encore mieux quand on a des médias qui pèsent ou des médias alternatifs
par rapport aux médias dominants, mais

la présence dans le quotidien des gens
est importante ».
Céline Verzeletti : « Il nous faut reconstituer ces forces militantes au plus près
de la population, par rapport à ses préoccupations quotidiennes. On ne peut pas
les reconstituer comme on le faisait il y
a trente ou quarante ans. Aujourd’hui,
on n’est pas suffisamment représentatif
de la population et des salariés. C’est
une autocritique et si on n’est pas suffisamment représentatif, on ne peut pas
construire ce rapport de forces. Dans
le rapport de forces, il y a une notion de
masse, et si on n’a pas cette masse, cela
sera difficile d’instaurer un rapport de
forces ».
Pour promouvoir l’auto-organisation, agir
dans les moments de crise qui vont se
multiplier, Christine Poupin pense qu’il
est nécessaire de construire les outils à
la fois programmatiques mais aussi organisationnels qui permettent de préparer
la suite.
Des organisations qui ne se substituent pas au mouvement populaire
Céline Verzeletti remarque que la mobilisation des Gilets jaunes s’est faite
en dehors de forces constituées, elle
s’est faite à partir de revendications que
l’on partageait ou pas avec des gens
qui ne se connaissaient pas et de nouveaux espaces ont été créés, comme
les rond-points. Certaines populations
ne se reconnaissent pas dans les forces

© Serge d’Ignazio

« Si nos organisations n’arrivent pas à
augmenter en terme d’adhérents c’est
très compliqué de mener des batailles
dans leur ensemble », nous dit Julien
Gonthier.
L’ affaiblissement des organisations n’est
évidemment pas un bon signe mais selon Sylvie Larue
« il est nécessaire de comprendre pourquoi il y a cet affaiblissement. Il y a beaucoup d’éléments objectifs : la casse des
collectifs de travail, l’éloignement des
lieux de décision, l’inefficacité à inverser les processus impulsés par les forces
du capital... Mais la raison essentielle ce
sont des organisations qui se substituent
au mouvement populaire ».

Pour Pierre Zarka il s’agit de se dégager
des étiquettes qui conduisent à plaquer
sur des groupes sociaux des systèmes
de représentation élaborés en dehors
du mouvement populaire. La défiance à
l’égard de toute représentation est due
à l’expérience du dessaisissement par
les leaders et de ce fait à la montée du
« faire par soi-même ».
L’envie de maîtriser les choses est un
point d’appui selon Sylvie Larue. « Il faut
donc redéfinir le rôle des organisations ;
comment peuvent-elles aider et comment
peuvent-elle contribuer à alimenter ce
refus de délégation, comment on passe
à la marche au-dessus? ».
Patrick Silberstein: « Tant que la dite
gauche ou une fraction de cette dite
gauche ne s’oriente pas directement
vers la reconnaissance de l’auto-organisation des couches populaires dans
les quartiers populaires, telles qu’elles
sont, la question du rapport de force, et
la question de la construction de l’unité
n’avanceront pas ».

Fabriquer des outils, des terreaux
fertiles pour des mouvements qui
vont les dépasser
Marcelle Fébreau se demande si le
rôle des groupes qui s’organisent - ou
en tout cas essaien t- ce n’est pas
avant tout de fabriquer des outils, des
terreaux fertiles, pour des mouvements
qui vont les dépasser. Et qui vont de
toute façon transformer leurs organisations, voire en produire d’autres, complètement. Elle pense là par exemple
aux violences policières qui ont été très
visibilisées médiatiquement au moment
du mouvement des Gilets Jaunes, c’est
selon elle le fruit du travail des comités
Vérité et Justice des quartiers populaires, qui existaient depuis des décennies, qui ont fait le job. De dire ce que
c’est cette répression d’État, comment
on s’organise, quels sont les outils
pour y faire face.
Repenser différemment ces forces
organisées, c’est-à-dire dans leur
fonction, dans leur pratique et dans
leur fonctionnement, pour Bruno Dellasudda elles doivent aider aux luttes
et aux mobilisations, elles doivent aider
à l’émancipation et à l’autogestion et
en aucun cas se substituer à l’activité
autonome et spécifique des citoyens,
des citoyennes, des salarié.es etc.
« Dans les espaces de l’émancipation, on doit abandonner toute logique
de rapport de force, de violence, de
domination, de soumission et de compétition qui nous sont imposés par les
standards capitalistes. Du côté de la
gauche, des écolos, des mouvements
sociaux, des mobilisations citoyennes,
des nouvelles formes d’organisations
ou anciennes, aujourd’hui, nous devons avancer sur le terrain du dialogue,
de l’unité d’action et de la coopération,
c’est l’alternative au rapport de force
et à la concurrence dans le camp de
l’émancipation ». 

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