Planche cerises N 20 decembr 2020 compresse .pdf


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Rapport(s) de forces

Que faire des défaites
et/ou échecs ?
Quelques exemples concrets permettent
d’adosser la réflexion :
Danielle Carasco parle d’échecs dans
la lutte aux cotés des migrants : « On
est au front de manière acharnée depuis
le printemps mais il ne se passe absolument rien. Il y a une tentative d’action
en décembre sur la journée des migrants
mais on n’y arrive pas. Il ne faut pas se
démoraliser mais c’est quand même décourageant ».
Céline Verzeletti pointe aussi des
défaites dans les luttes syndicales « La
mise en place de « réformes » telles que
celles sur la retraite ou les lois travail en
2016 imposées de force pour montrer à
ceux qui se mobilisent que les mobilisations ne servent à rien ».
Christine Poupin évoque les rapports
à l’État et à la loi : « Un terrain sur lequel
on n’arrête pas de perdre c’est tout ce
qui concerne la dimension autoritaire de
l’État sécuritaire. État d’urgence, nouvelle loi, état d’urgence, nouvelle loi etc.
Loi contre le séparatisme. Cela a des
effets extrêmement concrets. Il s’agit de
l’appareil de répression ».
Enfin, l’expérience de Syriza évoquée par
Bruno Dellasudda est très présente
dans tous les esprits : « Un exemple
concret très douloureux! L’expérience du

Les forces
alternatives
n’ont pas osé
franchir le Rubicon

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Gouvernement Syriza s’est très mal terminée. Tsípras a fini par capituler. Il y a eu
un débat à gauche polarisé essentiellement par la question de la sortie de l’euro
ou même le départ de l’UE. Même si ce
débat n’est pas secondaire, il n’était pas
la priorité. Il y a eu une série d’enquêtes
d’opinion qui montraient que quelles que
que soient les difficultés et malgré la politique abominable imposée par la troïka, la
majorité de la population ne souhaitait ni
sortir de l’euro ni de l’UE ».
Mais les échecs permettent ou
obligent à la réflexion.
A propos de Syriza « on est passé à
côté du rapport de force et ce à double
échelle. Il n’y a pas eu assez de solidarité au plan international mais elle aurait
été plus facile à construire s’il y avait une
telle mobilisation » selon Bruno Dellasudda.
Pierre Zarka émet une autre
hypothèse : « Pourquoi les expériences
démocratiques en Grèce (Syriza) ou au
Brésil, ont-elles échoué ? Parce que tout
à coup les peuples ont viré à droite ?
Ou parce que dans ces cas les forces
alternatives n’ont pas osé franchir le Rubicon. Les termes mêmes du référendum
en Grèce annonçaient la suite. Lorsque
l’on prend l’initiative d’un référendum
c’est pour que la bonne réponse soit
OUI à l’alternative. Cette fois la bonne
réponse a été Non. Cela veut dire que
Syriza était resté sur le terrain de l’adversaire et pas sur celui qui aurait dû être le
sien. Il n’y a plus d’espace possible ou
de « presque » qui permette de répondre
aux besoins sociaux ou démocratiques
sans briser la domination du capital.
Nous sommes entrés dans le temps

d’une incompatibilité qu’il nous faut affronter sans tergiverser ».
Les défaites peuvent aussi avoir des
effets positifs : s’il y a défaite, c’est
qu’il y a eu lutte et celles-ci permettent de construire des liens, de
créer du collectif et de se mettre en
mouvement
Céline Verzeletti : « Il faut du temps pour
élaborer les revendications qui permettent
de mettre en place une lutte, de créer un
rapport de forces qui permettent de gagner sur des objectifs fixés et qui sont de
vrais besoins. Pour évaluer un rapport de
forces il ne faut pas seulement regarder les
résultats. Il peut y avoir des revendications
portées qui n’aboutissent pas et d’ailleurs
il y a de plus en plus de revendications qui
n’aboutissent pas. En effet le rapport de
forces ne se mesure pas uniquement à ce
qui a été gagné car le simple fait d’avoir
su construire un mouvement à un moment
donné, d’avoir débattu sur ce qu’il fallait
faire et que différentes personnes se soient
mises en mouvement tout cela crée du collectif. Alors que l’on constate que l’on a de
plus en plus de mal pour créer du collectif
sur le lieu de travail, le simple fait de rechercher collectivement à obtenir des résultats
correspondant aux besoins exprimés par
les salariée.es créée un rapport de force
quel que soit le résultat ».
Christine Poupin ne partage pas tout à
fait ce point de vue : « Qui donne le la du
débat dans cette situation extrêmement
difficile ? Quand on a perdu une bagarre
on l’a perdue. Il faut prendre les choses
au sérieux. Le fait d’avoir perdu contre la
loi travail et la destruction des CHSCT
ce n’est pas juste désagréable. Les
CHSCT c’était un des seuls outils qu’on

avait réussi à s’approprier. Quand on a
perdu on a perdu. Cela ne veut pas dire
qu’on n’a rien fait, qu’on n’a pas construit
des liens, qu’on n’a pas fait avancer des
choses dans les têtes ».
Peser néanmoins
sur les rapports de force
Patrick Silberstein « L’essentiel c’est
de mettre en musique un certain nombre
d’expériences, celles du passé comme
Lip par exemple mais aussi celles qui
existent aujourd’hui. Car ce type de mobilisations permet de peser sur le rapport de force et si c’est intégré dans une
stratégie politique ça permet d’avancer à
une échelle de masse un certain nombre
de questions. C’est aussi cela qui devrait
nous permettre aujourd’hui de réfléchir
sinon cela risque de nous laisser entraîner à réduire nos ambitions. ».

© Serge d’Ignazio

Quelques défaites plus ou moins cuisantes jalonnent la vie politique et l’engagement des forces de gauche depuis 10 ans. Quelles sont-elles concrètement et
qu’en faire ?

Et faire avancer les « choses »
Sylvie Larue : « Je voudrais qu'on
réfléchisse sur ce qu'on appelle des défaites. Ou des non victoires. Je pense
que cela devient de plus en plus compliqué pour les forces du capital de céder.
Il me semble qu’on est à un moment du
développement du système capitaliste, un
moment de crise qui fait émerger ces réponses autoritaires ou des gouvernements

autoritaires ou des répressions. Christine
nous parle d’hégémonie. Il faudrait qu’on
soit plus précis dans l’analyse des majorités d’idée. Il me semble que dans les majorités d’idée il y a des choses qui avancent
certes cela ne se traduit pas tout de suite
par des victoires dans les luttes comme
l’abandon de la loi travail, comme des mesures concrètes pour préserver le climat, il
y a des majorités d’idées sur lesquelles on
peut s’appuyer pour continuer à booster
ce rapport de force. Il y a de plus en plus
de gens convaincus que le capitalisme est
en train de nous mener dans le mur ».

Les soulèvements
populaires,
les processus
révolutionnaires de
ces dernières années
sont des points
d’appui

Céline Verzeletti : « J’ai entendu dire
qu’il y a des batailles que l’on a perdues et
si elles sont perdues, elles sont perdues.
Je ne partage pas tout à fait ce point de
vue, une bataille perdue ne veut pas dire
que l’on a tout perdu et pour gagner des
grandes victoires, les petites batailles permettent d’accéder ensuite à des grandes
batailles et des grandes victoires. Les
choses doivent se faire progressivement.
Si on ne passe pas par là, on arrivera pas
à obtenir quelque chose ».

Les défaites sont aussi
des points d’appui
Céline Verzeletti : « A propos du
mouvement féministe et sur le terrain
écolo-climatique : de fait il y a depuis
plusieurs années maintenant une révolution féministe mondiale même si ses
développements sont inégaux et aussi
de nos jours dans les jeunes générations particulièrement une conscience
écolo-climatique de plus en plus forte.
Comment mesurer cela ? C’est effectivement difficile mais ce sont pour nous
des points d’appui tout à fait essentiels
pour la transformation de la société toute
entière ».
Bruno Dellasudda : « Je crois que ça
il faut l’avoir en tête pour relativiser les
choses, et considérer aussi que tous les
soulèvements populaires, les processus révolutionnaires de ces dernières
années sont des points d’appui très importants qui nous amènent à considérer
avec prudence l’évaluation du rapport de
force ». 

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